SANS COMMENTAIRE !

Publié le par Laurence

02 janvier 2009

Jean-Paul Walter
Directeur d’Ecole Primaire
Quartier des Paires
67420 Bourg-Bruche   

                            à

                            Monsieur l’Inspecteur d’Académie
                            Inspection Académique du Bas-Rhin
                            65, Avenue de la Forêt Noire
                            67083 STRASBOURG CEDEX


Monsieur l’Inspecteur d’Académie,

    Par votre courrier du 30 octobre 2008, j’ai appris ma nomination au grade de Chevalier des Palmes Académiques et je vous en remercie.   
    Il semblerait que cette promotion soit due à mon engagement pour la mission de service public d’éducation, en tant que directeur d’une petite école rurale, mais également pour mon action militante, au-delà du temps scolaire, dans les associations complémentaires de l’Education Nationale et le Mouvement Freinet.
Mes actions ont toujours été guidées par des principes d’égalité (il n’y a qu’une éducation, elle s’adresse à tous et est de tous les instants), de solidarité (condition indispensable à un minimum d’harmonie sociale), de laïcité (condition de la liberté de jugement et de conscience).
Au cours de ma carrière d’enseignant, j’ai essayé modestement, de construire une pédagogie centrée sur l’enfant, basée sur l’entraide et la coopération, qui cherche à donner du sens au travail, prend en compte la diversité des élèves et les invite à agir pour apprendre.
J’en conclus que cet engagement avait quelque chose de méritoire puisqu’il me vaut la reconnaissance de l’Administration de l’Education Nationale. En d’autres temps, cette nomination aurait représenté pour moi un grand honneur et une grande fierté.

Mais voilà que depuis quelques mois, cette même administration me demande d’appliquer une politique éducative allant totalement à l’encontre des convictions qui m’ont animé jusqu’à présent :
- Les nouveaux programmes, mis en œuvre dans un temps resserré, ne profitent qu’à une minorité d’élèves que l’on pousse vers l’élitisme.
- La culture du résultat et le concept de performance, appliqués à l’éducation, avec la mise en concurrence des établissements et des individus (projet de suppression de la carte scolaire, évaluations devant être rendues publiques…), profiteront certes à une minorité, mais lorsqu’il y a des gagnants, il y a aussi des perdants.
- Le traitement de la difficulté scolaire n’est plus que l’arbre qui cache la forêt. Il est amputé de ses moyens les plus efficients, basé sur le volontariat des parents, repoussé hors temps scolaire et progressivement vers la sphère privée, lieu de toutes les inégalités.
- Les associations complémentaires de l’éducation, qui m’ont tant appris, sont étranglées financièrement.
- Je ne fais guère d’illusion sur l’évolution du statut d’enseignant dont la remise en question est déjà en chantier.
- La Révision Générale des Politiques Publiques n’a d’autre objectif que la déconstruction progressive de l’Ecole Publique Française, en la rendant moins attractive, alors que se prépare la montée en puissance d’un service commercial d’éducation.

Je ne puis me résoudre à pratiquer ce grand écart. Les palmes académiques deviennent ainsi pour moi, le symbole du renoncement aux valeurs auxquelles j’ai toujours cru. Je préfère de ce fait décliner l’honneur qui m’est fait. Je vous informe que je ne serai pas présent à la cérémonie de remise des médailles prévue le 14 janvier 2009, à l’Inspection Académique.

    Veuillez croire, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, en mon plus profond attachement au service public d’éducation.

                                Jean-Paul WALTER
 

Publié dans TEMOIGNAGES

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
N
Sacré courage. Il y a actuellement plein de directeurs et enseignants qui envoient ce type de lettres pour protester. Leur seule réponse est soit une sorte de lettre les blamant et leur indiquant une perte de salaire, ou alors carrément une mise à pied par certains inspecteurs d'académie.Elle est belle la liberté d'opinion en France !!Personnellement, je ne veux prendre aucun risque, pas assez ancienne dans le métier et pas assez de revenus pour tout perdre. JE sais, c'est lâche. Je travaille de l'ancienne manière avec les anciens programmes. Mes élèves ne sauront peut-être pas le futur et le passé antérieur, mais au moins, ils auront vécu une belle année, dans le plaisir du travail bien accompli et compris, et dans la joie de vivre. C'est ma toute petite manière de me révolter contre ce que l'administration veut nous imposer.Je t'embrasse Laurence-Michèle, bien fort
Répondre
A
mince alors, il a refusé une soirée mondaine, c'est ça ?
Répondre
L
<br /> En quelque sorte! C'est pas toi, qui aurait fait ça!<br /> <br /> <br />
P
Effectivement "Sans commentaires!" Il y a trop peu de bons enseignants pour, quand on en trouve un, disserter sur sa valeur!Amitiés.
Répondre
L
<br /> Merci pour lui, Alain!<br /> <br /> <br />
C
merci à ce collègue d'avoir su exprimer ce que bon nombre de ses pairs pensent (pas toujours tout bas,heureusement...) et d'avoir osé braver une autorité toujours à la botte d'une autre...je suis assez fière d'en avoir connu quelques uns comme lui,je ne les ai pas oubliés...
Répondre
L
<br /> Merci à toi, de ta fidélité à mon blog et de ton soutien!<br /> <br /> <br />
V
Bravo à cet instit qui a tout compris.  Les enfants en difficultés ont besoin d'aide, bien plus que les "forts en tout". C'est comme ça que la précarité s'intensifie... Bises Michèle
Répondre
L
<br /> Oui saluons ce citoyen qui mérite bien ce nom.<br /> <br /> <br />