INTERDIT D'OUBLIER
Moi , je prends mon temps, le temps de manger en plusieurs fois, par petites quantités, le temps de digérer, le temps de m'étirer, le temps de guetter un oiseau pendant des heures tapie sous les ronces quand je suis en Bretagne. Le temps d'observer ces drôles de bipèdes qui portent le nom d'humains et qui se croient si supérieurs au genre félin auquel j'appartiens. Donc, tandis que je prends le temps, les humains se pressent, avalent, digèrent et puis oublient, la nourriture autant que les INFOS. Ils se révoltent, s'indignent, signent une pétitiion et passent à une nouvelle indignation, une nouvelle pétition...Et pendant ce temps une Persane (une vraie, pas une batarde sans papiers, comme moi, une Persane humaine) attend dans les geôles du tyran qui parade aujourd'hui à Beyrouth, de savoir quel sera son sort. Elle s'appelle SAKINEH MOHAMMADI ASHTIANI, c'est une jeune femme qui vit au 21em siècle dans ce qu'on devrait appeler le monde civilisé et qui attend le pire des châtiments barbares. Quand je pense que certains humains s'offusquent de voir un lion dévorer une gazelle ou même un de mes frères félins jouer un peu avec une souris avant de la croquer, comment peuvent-ils supporter que des hommes - puisque c'est ainsi qu'il faut les appeler - osent même imaginer le sort promis à SAKINEH: "Les suppliciés sont recouverts d'un drap blanc et enterrés dans le sable jusqu'à la hauteur des genoux. Une foule déchaînée leur lance des pierres jusqu'à ce que le drap soit totalement rougi..." doit-on ajouter que pour préparer à cette torture, la victime a déjà reçu 99 coups de fouets pour expier une partie de ses pêchés, et surtout celui d'être née: FEMME !
Capables du pire comme du meilleur, ces humains ! Pour nous en convaincre relisons Villon:
Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !